Le bout du monde - 2 -
Terre !
Enfin il pu s'agripper au ponton, reprendre son souffle et se hisser douloureusement sur le bois humide. Enfin il pouvait relâcher ses efforts. Il ferma les yeux, le soleil cognait dur, pourtant il avait fait si noir. Si noir...
La mer était d'un noir d'encre. Une nuit sans lune, le ciel dégagé, un tapis d'étoile comme le plancher des vaches n'en connait pas.
Que c'était-il passé ? Un grain, un gros grain qui c'était invité pour la partie de pêche. Un sacrée grain qu'il avait dit le capitaine accroché à la barre. Tout le monde fut balayé à bord. Les vagues successives eurent raisons des marins aguérit. Et la Marquise se mis à geindre, à grincer, à craquer. Quand son mât s'effondra, les voiles qui n'avaient été ramenées jetterent comme un linceul sur le reste de l'équipage. A cet instant le sort du rafiot était scellé. Les quelques âmes qui s'accrochaient à la vie profitaient d'un sursis pour prier. Expier, adresser un adieu, une minute pour chacun, une minute bien à soi. Le delai écoulé, un choc brutal vint rompre les messes et la coque de la Marquise. Le navire cessa d'exister en temps que tel dans une explosion d'eau, de bois et de chair. Les hommes et la Marquise volèrent et s'éparpillèrent dans l'océan glouton. Engloutis.
Pourquoi ne perdit t'il pas connaissance ? Il ne pensa pas, il ne pria pas, il se contenta de saisir un debris flottant. Il s'accrocha au vestige du morutier. Quand la tempête se calma il s'accrochait toujours, éveillé, vivant. Seul dans le desert nocture d'une mer apaisée. Le silence, la fatigue le firent planer dans les étoiles, bercé par la houle ronronnante. Il croyait dériver vers la mort, en réalité c'est vers un nouveau port que son embarcation de fortune le menait. La nuit s'éclaircissait sur l'horizon, plus au nord, une autre lumière. Une flaible lueur intermittente vers laquelle il semblait attiré.
Le froid lui endolorissait les jambes et le sommeil commençait à lui grappillé des secondes. Petit à petit. Chaque fois qu'il clignait des yeux la lumière se rapprochait. Elle révélait maintenant sa rotation rassurante. C'était un phare. A mesure qu'il approchait porté par le courant, le jour se levait.
Maintenant il pouvait se reposer, les souvenirs ne s'envoleraient pas. Il allait dormir, et demain il penserait, il serait bien assez tôt pour penser. Maintenant il était l'heure de dormir.